Préambule de l’étude par Xavier Guilbert, auteur de l’étude
Le contenu des pages qui suivent s’inscrit dans la prolongation d’un travail débuté il y a une quinzaine d’années, avec la toute première « Numérologie » publiée sur du9 en 2006. Derrière ce titre en forme de pirouette (présenté comme « l’art de faire parler les chiffres »), se cache une envie toujours présente de comprendre les grandes tendances qui animent le monde de la bande dessinée ces dernières années. La publication successive de ces analyses a suscité des rencontres et des échanges avec nombre d’éditeurs, de libraires et d’auteurs, apportant des réponses, mais soulevant aussi bien des questions.
Pour répondre à l’affirmation qui voudrait que l’on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres, je me suis toujours attaché à détailler ma démarche, à expliquer mes choix méthodologiques et à présenter les sources et les documents sur lesquels je m’appuie.
L’analyse de marché consiste avant tout à émettre des hypothèses, et loin d’attendre de mes lecteurs qu’ils me croient sur parole, je préfère mettre à leur disposition tous les éléments pour qu’ils puissent en tirer leurs propres conclusions. Cela se fait au prix, je m’en excuse par avance, d’un (trop) grand nombre de notes de bas de page et de références bibliographiques.
Par ailleurs, la rédaction de ce document a été tiraillée entre deux mouvements opposés : d’une part, la volonté d’embrasser au mieux toute la complexité du marché de la bande dessinée, avec les multiples interactions qui le régissent ; d’autre part, la préoccupation de ne pas me laisser submerger par la quantité d’information, le risque étant de me perdre dans des considérations par trop anecdotiques. En cela, tant les contraintes de temps que les limites imposées par les données à ma disposition m’ont amené à restreindre le champ de mes investigations et à conserver parfois une certaine distance afin de proposer, du moins je l’espère, des observations et des enseignements pertinents.
Ce sont les mêmes contraintes qui font que cette étude, basée avant tout sur des données chiffrées, propose principalement une « vision de l’extérieur », qui gagnerait à être prolongée et complétée par une exploration plus approfondie des pratiques éditoriales, au travers de témoignages et d’entretiens avec des acteurs du secteur (auteurs, éditeurs, mais aussi libraires et journalistes).
J’ai bien conscience qu’une telle analyse, aussi sincère et rigoureuse puisse être ma démarche, ne présente qu’une vision du monde, qui a parfois autant à voir avec la réalité des faits qu’avec le regard que l’on pose sur elle. Ce document n’a pas pour ambition d’apporter une réponse qui serait aussi finale que définitive, mais plutôt de constituer le début d’une conversation.
Xavier Guilbert, Paris, le 16 juin 2021