La fin du réseau Banlieues d’Europe

COMMUNIQUÉ

L’association Banlieues d’Europe s’arrête.
Les membres du Réseau Banlieues d’Europe travaillent ensemble depuis 1989. Le réseau s’est nourri, il s’est agrandi ; de nombreuses personnes s’y sont associées, beaucoup d’organismes y ont œuvré. Ce sont des acteurs désireux de vivre et surtout de progresser dans un monde où la culture est un bien précieux, qu’il appartient à tous les citoyens de partager et de faire fructifier, qu’il ne convient pas de réserver à certains au nom de leur éducation ou simplement d’une tradition sociale inéquitable.
L’inégalité culturelle entre les êtres humains est dénoncée depuis tant de décennies que ce soit dans le combat pour une éducation pour tous, dans celui de l’éducation populaire, dans celui de la démocratie culturelle, dans celui de la création culturelle, pleine et entière, rendue possible par tous.
Mais il semble que l’heure de « la page blanche» [1] soit advenue… C’est la page qu’ont commencé à écrire des décideurs qui restructurent, réorientent leurs institutions.
Certains cherchent sincèrement et avec acharnement de nouvelles voies pour atteindre démocratiquement des objectifs culturels qu’ils constatent ne pas remplir aujourd’hui.
D’autres rêvent d’actions bien définies d’un point de vue technocratique, des processus « surs et fiables », en laissant de côté l’expérimentation menée avec les gens concernés.
Et il y en a qui respectent l’austérité économique instituée en valeur sure – pour certaines couches de la population seulement !-, et qui barrent, éliminent, réduisent parfois même jusqu’à zéro les budgets publics consacrés à la culture et en particulier ceux consacrés à la démocratie culturelle.
Depuis 2014, Banlieues d’Europe s’est vu refuser des subventions européennes qu’elle obtenait auparavant pour son travail de réseautage européen ; comme pour nombre d’acteurs culturels, d’autres subsides ont été soit réduits soit ils font l’objet d’examens administratifs que ne semblent pas aboutir : report de décisions, délais non respectés, information a posteriori.
Contrainte à une gestion à très court terme et au manque de financement, Banlieues d’Europe a été forcée de cesser ses activités en ce mois d’août 2015.

Pour notre Réseau, c’est maintenant l’heure où des milliers de pages sont déchirées.
Ces pages déchirées, ce sont celles qui ont été écrites et enluminées par nos membres et les invités que nous n’avons eu de cesse, pendant vingt-cinq ans, de rencontrer, de donner à connaître et à voir, de mettre en contact, de valoriser. Ces pages, ce sont celles des créations artistiques de simples citoyens de nos quartiers, de nos villes, de nos campagnes qui ont travaillé, créé, exprimé l’utopie par les couleurs, les mots, le mouvement, les formes, les images, les reconfigurations d’espaces publics, la musique, le cinéma, les sons, de nouveaux médias, la convivialité, la rencontre et la diversité culturelle reconnue dans les faits.
Pour reprendre les propos d’Edgar Morin, aujourd’hui en Europe, « à aucun moment, on ne voit la métamorphose, par contre, les processus de décomposition sont là »[2]. Plus que jamais, nous pensons – car nous l’avons vécu et observé -, que les rencontres artistiques que nous avons organisées ont été sources de métamorphoses positives. Plus que jamais, nous pensons que la reconnaissance sociale et culturelle de chaque individu, par lui-même et par ses concitoyens, se réalise dans sa capacité à s’exprimer dans différents langages artistiques et dans la gratuité de cette expression. Plus que jamais nous sommes fiers de nous être assemblés à vous tous qui constituez ce réseau.

L’association Banlieues d’Europe s’arrête.
Que vivent son esprit et les liens merveilleux que ce réseau a créés, qu’ils vivent au-delà des institutions et des subventions, qu’ils vivent au-delà de nos mémoires.
Qu’ils vivent dans le cœur et les rêves des gens : à côté des profits, en dehors des règles définies par le néolibéralisme et les prétendues uniques lois du marché économique.
Qu’ils vivent contre des idéologies massacrantes. Qu’ils vivent encore comme une résistance nourrie des émotions de joie et de bonheur, de révolte, pétrie des espoirs que nous avons touchés de si près pendant ces vingt-cinq années de présence et d’action du Réseau Banlieues d’Europe.

Yvette Lecomte, Présidente de Banlieues d’Europe

[1] Sic. Expression utilisée par un de nos interlocuteurs institutionnels

[2] In Le Soir, L’entretien : « Les politiques suivent un mauvais chemin », 19 août 2015.

Plus d’information sur le site de Banlieues d’Europe