Journée d’étude 50° nord « Peut-on évaluer le sensible ? » le 8 novembre à Tourcoing

Depuis 2013, les membres de 50° nord se sont fédérés pour constituer un groupe de travail destiné à poser une réflexion de fond sur la « médiation culturelle ». Chaque année, ce groupe se retrouve lors de temps de rencontre autour de problématiques inhérentes à la question du rapport aux publics, convoquant de façon récurrente des professionnels extérieurs au réseau pour ouvrir les débats. Ainsi, au cours de ces dernières années, une réflexion s’est engagée sur des sujets aussi variés que la place de l’artiste dans les actions de médiation, la question du handicap ou encore les problématiques afférentes à l’éveil artistique et culturel.

Ces questionnements sont toujours étroitement liés aux interrogations qui nous animent et traversent nos sociétés, nos métiers, nos pratiques. Aujourd’hui, alors que l’injonction à délivrer des bilans chiffrés, des statistiques et autres documents comptables se fait chaque jour plus pressante, il nous a semblé nécessaire de nous saisir pleinement de cette question. Comment évaluer et garder trace d’autre chose que des chiffres, utiles et nécessaires, mais qui seuls ne traduisent en rien la réalité de l’expérience vécue par le public, ni de nos actions, ponctuées de moments de grâce comme d’échecs ?

L’enjeu est double. Il s’agira de se donner le temps de circonscrire les nombreuses entrées induites par le principe de l’évaluation. Dans une démarche proactive, nous mettrons à profit notre expertise pour formuler des propositions pertinentes, porteuses des valeurs que nous souhaitons défendre – et défendons – au quotidien : liberté, originalité, créativité, éthique, ouverture sur l’autre et le monde…

Cela fait déjà de nombreuses années que cette question de l’évaluation habite de façon souterraine nos métiers, suscite des réflexions fécondes sans pour autant trouver un écho, ni aboutir à des propositions concrètes, en phase avec nos réalités et nos valeurs. Sans doute faut-il voir là un aveu indirect de la réelle complexité qui s’instaure dès qu’il s’agit de rendre compte de processus qui se déploient à la fois dans l’espace et le temps, au sein d’individualités uniques et sans cesse mouvantes.
Face à ce défi – impossible ? – de rendre compte de l’indicible qui se produit entre l’œuvre et l’humain, nous en appelons à la présence conjointe des artistes et des chercheurs pour nous aider à matérialiser de façon sensible ces traces d’une expérience vécue.

Cette journée souhaite donc poser un état des lieux (non exhaustif) de la question, à l’aune des recherches actuelles menées tant dans le domaine des sciences cognitives que de la psychologie tout en affirmant la légitimité de l’expérience sensible pour accéder aux enjeux du processus de création et en questionnant la posture du médiateur dans l’accompagnement de cette appropriation.

Elle a donc pour ambition de s’emparer des outils de la réflexion et de la création pour apporter un regard juste et fécond sur cette question et ajuster ainsi les approches de l’évaluation des perceptions de la création contemporaine.


Programme
MATIN
L’évaluation muséale : un outil au service des visiteurs ?
par Serge Chaumier

Professeur, responsable du Master Expographie Muséographie (en apprentissage). Auparavant, chargé d’évaluation au Louvre, aux Musées de la civilisation, pour la Cité des Sciences…, enfin attaché de conservation. Il a publié plusieurs ouvrages en muséologie, parmi lesquels : Altermuséologie, Traité d’expologie ; et avec François Mairesse, La Médiation culturelle…

Sans faire un historique, il s’agit de revenir très rapidement sur l’évaluation muséale et les techniques à disposition pour cerner les modalités de réception et d’appropriation des propositions par les visiteurs. Seront ciblées plus particulièrement les études conduites dans le champ de l’art contemporain pour mieux comprendre les types de visite et les familles de visiteurs en fonction de leur profil.

Les nouvelles formes d’évaluation scientifique des impressions du spectateurs face à l’œuvre
par Laurent Sparrow

Maître de conférences en psychologie cognitive au sein du laboratoire SCALab (Sciences Cognitives et Affectives, Université de Lille, CNRS), il coordonne les activités du pôle de recherche SCV-IrDIVE (Sciences et Culture du Visuel) qui héberge la plateforme technologique IrDIVE dédiée à l’image.

Que se passe-t-il dans nos têtes lorsque nous sommes face à l’œuvre ? Chez certains, elles déclencheront des émotions mais pas chez d’autres. De même, certaines œuvres nous questionnent, nous interrogent, mais pas toutes. Afin de répondre, de façon parcellaire, à ces questions, nous présenterons des études utilisant les technologies cognitives et qui ont permis de mesurer les réactions individuelles, objectives et subjectives, lors d’une visite au musée.

Être visiteur d’exposition : questionnements didactiques sur la construction d’un sujet et sur son évaluation.
par Cora Cohen Azria

Maitre de conférences (HdR) en didactique et muséologie des sciences au département des Sciences de l’éducation de l’Université de Lille et rattachée au laboratoire CIREL (Centre Interuniversitaire de Recherche en Education de Lille). Elle a publié entre autres Quand l’enfant devient visiteur.

La visite d’exposition met l’enfant, l’élève, le jeune, l’apprenant, le visiteur… dans une situation spécifique qui peut varier selon les institutions en présence (école, musée, famille, etc.). Enracinée dans des questionnements didactiques, cette intervention permettra d’interroger la construction des jeunes « sujets visiteurs » durant les situations des visites d’exposition.

Pause déjeuner
food-trucks sur le parvis
visite libre de Panorama 20

APRÈS-MIDI
La médiation culturelle dans des ateliers artistiques pour enfants
par Béatrice Madiot

Béatrice Madiot, maître de conférences en psychologie sociale à l’Université de Picardie Jules Verne, membre du Laboratoire Crp-Cpo (Amiens UPJV), dont les thématiques de recherche portent sur le monde de l’art, les processus de création, de réception d’une œuvre.

Cette intervention présentera les résultats d’une recherche qualitative menée en partenariat avec le Ministère de la Culture, sur les actions de médiation culturelle auprès d’un jeune public participant à des ateliers artistiques. À partir d’une observation in situ de l’ensemble des séances de 4 ateliers (danse, musique, théâtre et arts visuels), il s’agit de souligner comment la médiation culturelle fait émerger à partir de l’expérience sensible, une forme artistique, dans la continuité de la démarche artistique portée par l’artiste et soutenue par les médiateurs culturels. Nous nous centrerons particulièrement, sur l’aménagement au fil des ateliers, des places non prédéfinies à l’avance, des différents acteurs du dispositif afin de souligner l’importance de cet aménagement des places et rôles de chacun pour le bon déroulement des ateliers.

Datas sensibles : mesurer l’impact de la création par la création
par Véronique Béland
Née au Québec, Véronique Béland vit en France où elle a été diplômée du Fresnoy. Artiste multidisciplinaire travaillant dans le domaine des arts visuels et de la littérature, sa démarche est traversée par un questionnement sur les fonctionnements de la mémoire et sur la perte induite par l’oubli.

Retour d’expérience sur le projet Traces Openlab, une tentative de permettre aux générations issues de la culture du flux et du réseau d’élaborer leurs propres outils de conservation et d’archivage des parcours d’éducation artistique et culturelle.

Seconde partie
Les différentes étapes de l’évaluation – World Café

1- captations – traces – qu’est que l’on peut capter ? comment le capter ?
avec Alice Canel, médiatrice culturelle – La chambre d’eau, Le Favril
2- analyse – comment on peut analyser les captations/traces ?
avec Anaïs Perrin, chargée de développement – CRP/ Centre régional de la photographie, Douchy-les-Mines
3- préconisations – comment utiliser et mettre à profit l’analyse des données ? comment penser et ajuster les pratiques ? comment se faire entendre ?
avec Adeline Delobel, médiatrice culturelle – L’H du Siège, Valenciennes

L’analyse légère des données dans la création plastique

4- Empreinte vagabonde
par Léonore Mercier
Plasticienne, réalisatrice et compositrice, les œuvres de Léonore Mercier sont transversales. Elle conçoit des expériences d’écoutes sous forme de sculptures tactiles et sonores, des installations interactives, des performances, de la vidéo et de la musique. Elle compose aussi pour le cinéma et des groupes de musique.

Cet atelier sonore consiste à s’auto-enregistrer, seuls, dans Panorama, pendant exactement 5 minutes, et ce, sans interruption avec un enregistreur et un casque. Un montage sonore sera réalisé par l’artiste avec l’ensemble des témoignages, et sera disponible en ligne par la suite. Après avoir expliqué le fonctionnement des appareils, les personnes seront libres de vagabonder avec le matériel dans l’espace d’exposition. Toutes les formes verbales et chantées sont autorisées. S’inspirant de leur environnement, des oeuvres, de l’architecture, mais aussi des éléments vus et entendus précédemment, ou même de ceux qui vont advenir dans un futur proche. Libre court à l’imaginaire ou à la logique pure. La parole peut être original, abstraite, simple, méthodique, descriptive, philosophique… Nous aurons sûrement des moments simples de descriptions mais aussi de la poésie, des questionnements, réactions, doutes, étonnements, digressions évoquées par l’oeuvre, silences… Les sentiments, ressentiments, émotions du moment peuvent aussi faire partis de ce discours. L’expérience sera introspective et personnelle, une photographie sonore improvisée de l’instant. Ces enregistrements révèleront une esthétique tantôt commune tantôt hétéroclite de la parole et de la personnalité de nos locuteurs enregistrés.

Il s’agit de montrer la parole dans ses automatismes et mécanismes, à travers un flot ininterrompu de propos dans un moment et un lieu donné : une photographie sonore de l’état émotionnel et intellectuel après une journée passée dans l’enceinte du Fresnoy à suivre des conférences. Aucune censure, rentrer en connexion avec la mémoire passée, présente et future et laisser libre cours à notre imaginaire, à nos pensées.
À la fin de ces 5 minutes solitaire, le groupe se réunira pour discuter de leur expérience commune.

5- Retitle the Untitled
par Léa Mayer
Léa Mayer (1987, FR) vit et travaille à Bruxelles. Lauréate de la FDCA (2012), du Prix Découverte (2013) et du prix SOFAM (2018). Son travail a été exposé entre autres à Bruxelles, Berlin, Paris et Antananarivo (BOZAR, Maison particulière, Isart, Le6B, Galerie Francis Carrette, Été78, l’ISELP…)

Il s’agit d’un atelier où les participants sont invités à titrer des œuvres d’art. Le travail est réalisé à partir de reproductions d’œuvres réalisées par l’artiste lors d’une résidence sur le territoire de l’audomarois. Par ce travail de re-titrage, les participants choisissent de souligner un aspect de l’œuvre qui les touche et ainsi mettent en exergue leur propre interprétation de la pièce. L’artiste, dans un deuxième temps, opérera une sélection parmi les propositions puis une mise en commun des titres sera effectuée, permettant ainsi d’observer l’influence de chaque titre sur la lecture de l’œuvre et la poésie qui se dégage de cette action.

6- L’écho de l’expérience, entre processus et trace
par Véronique Béland
Née au Québec, Véronique Béland vit en France où elle a été diplômée du Fresnoy. Artiste multidisciplinaire travaillant dans le domaine des arts visuels et de la littérature, sa démarche est traversée par un questionnement sur les fonctionnements de la mémoire et sur la perte induite par l’oubli.

Un atelier de partage du sensible par la technique du Suminagashi — encre qui flotte sur l’eau en mouvement. Un rituel de discussion-création où l’eau et l’encre font trace d’un échange au sujet des impressions laissées par la visite libre de l’exposition Panorama.

Conclusion et perspectives
par Daniel Schmitt, Grand témoin de la journée d’étude
Daniel Schmitt est maître de conférences de l’Université Polytechnique des Hauts-de-France au laboratoire DeVisu. Ses recherches portent sur la construction de sens en situation écologique et en particulier, sur l’expérience cognitive et émotionnelle des visiteurs de musées.


Journée d’étude 50° nord « Peut-on évaluer le sensible ? »
8 novembre 2018 – 9h-17h
Le Fresnoy – Tourcoing

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